Conjoncture financière à fin mars 2025

La guerre commerciale rebat les cartes

A l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, le menu de son programme était limpide. En revanche, le dosage, ainsi que la rapidité avec laquelle il a été appliqué, ont surpris toutes les communautés. Sur le plan domestique, les décrets s’enchainent sans qu’aucun retour d’expérience ne puisse encore en mesurer les conséquences. Le délicat sujet du contrôle strict de l’immigration et des renvois de travailleurs étrangers se traduit par beaucoup de stress mais n’est pas encore lisible dans les statistiques du marché du travail. Il en est de même des coupes budgétaires et des fréquents ultimatums inscrits dans le programme d’économie du budget fédéral dirigé par Elon Musk. Ces économies très médiatisées n’ont pas freiné la hausse des dépenses publiques qui, à la fin mars 2025, avaient encore progressé de 5,4 % sur un an. La politique commerciale engagée par la nouvelle administration n’a en revanche épargné ni ses partenaires ni les marchés financiers. Elle a d’abord été appliquée à quelques produits, acier, aluminium, véhicules.  Puis, elle s’est étendue, dès le 2 avril dernier, à hauteur de 10 % sur tous les produits importés aux Etats-Unis par tous les pays du monde, majorée selon l’importance du déficit commercial. A titre d’exemple, en provenance de l’Union européenne, cette taxe s’élevait à 20 %, soit 10 fois celle qui était en vigueur avant « ce libération day ». La suspension de cette mesure pour 90 jours laisse la question en apesanteur, sauf pour la Chine qui, imposée à hauteur de 145 %, n’a pas été exemptée à titre conservatoire et a répliqué dans des proportions assez proches. Cette stratégie remet en cause les prévisions de croissance mondiale du FMI qui a récemment publié ses dernières analyses : en hausse de 2,8 % pour l’année 2025, la croissance perd 0,5 point sur l’année. Les Etats-Unis, à l’origine de ce chambardement, perdrait près de 1 point à 1,8 % selon cette même institution.

Si, dans un tel environnement d’instabilité, il est plus difficile encore d’établir des projections solides, il semble néanmoins que l’administration américaine ait pris conscience du risque qu’elle fait peser sur son économie et plus encore sur ses marchés financiers. Ainsi, ses récents revirements, que ce soit en matière de droits de douane ou de menaces sur le mandat du Président de la Banque Centrale américaine ne peuvent s’expliquer qu’à travers le prisme des marchés boursiers, des marchés obligataires et du dollar. Mr Trump n’est cependant pas au bout de ses déceptions, car sur le plan conjoncturel ces mesures et ces contre-mesures érodent la confiance des uns, accroissent la défiance des autres. Les ménages consomment moins et les entreprises accumulent des stocks de produits importés, qui vont à leur tour creuser un peu plus les déficits à l’origine de cette stratégie.

La guerre commerciale au pas de charge menée par l’administration Trump s’essouffle. Et si « ce deal » échoue, il sera difficile pour ses partenaires d’accepter de rebattre les cartes pour reprendre une partie en toute confiance.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire.

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