Conjoncture financière à fin décembre 2022

2022, la reprise ne suffit plus

Des signaux encourageants de sortie de pandémie alimentent l’espoir que, cette fois-ci, la page de cet exceptionnel évènement est en train de se tourner. Certains pays voisins ont déjà abandonné toutes les mesures de distanciation instaurées au cours de cette longue période. En France, elles sont levées par étapes et pourraient même conduire à l’abandon du pass vaccinal plus tôt qu’initialement annoncé par les autorités. Les rechutes de la pandémie n’ont pas entravé la trajectoire de la croissance. En 2021, elle s’est même démarquée de celle de ses voisins par un résultat solide de 7 % sur l’année.


A la fin de l’année, la France avait renoué avec une croissance de près de 1 point supérieure à celle de la fin 2019, affichant une nette avance sur la zone euro et quelques-uns de ses proches voisins. L’année 2022 sera encore une année de performance supérieure à la tendance antérieure à 2020. Si ce rebond soutenu est remarquable, il n’a pas encore effacé le retard accumulé au cours de cette période de pandémie. Et pourtant déjà plusieurs obstacles pourraient prématurément freiner la poursuite de ce rattrapage.


Ainsi, du côté de la demande, l’érosion du pouvoir d’achat des ménages associée au choc de prix sur l’énergie pourrait réduire leur niveau de dépenses, en dépit d’une épargne qui constitue un filet de sécurité. Les entreprises supportent à leur tour des charges en hausse, poussées à la fois par une demande toujours déséquilibrée et des coûts d’approvisionnement soutenus. Si ces hausses ne pèsent pas encore sur leur trésorerie, elles pourraient néanmoins affecter leurs marges et les résultats d’exploitation. Cette situation inattendue risque de décaler des programmes d’investissement dans l’attente de plus de visibilité sur ces contraintes physiques et peut être seulement transitoires. Mais le plus surprenant à ce stade se concentre sur les pénuries de main- d’oeuvre dans un contexte où l’emploi s’est à son tour rapidement rétabli depuis quelques mois. Les enquêtes relèvent des difficultés de recrutement pour près de 17 % des entreprises de l’industrie et plus de 20 % dans les services. Les contraintes liées au manque de main-d’oeuvre se multiplient et les revalorisations des rémunérations envisagées constituent une réponse partielle seulement. Mais, celle-ci ne suffit plus. Structurellement, l’inadéquation entre la compétence recherchée et l’offre de main-d’oeuvre ne se résoudra que plus en amont au niveau des formations et dans le système éducatif. Des améliorations ont déjà été réalisées avec des parcours de formation plus imbriqués dans le monde de l’entreprise mais l’accélération des nouveaux besoins en matière de développement technologique risque de brider certaines ambitions.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin septembre 2021

Un trouble-fête dans la reprise

La crise sanitaire constitue toujours une menace qui plane sur les économies. Ces dernières tentent de s’en accommoder. Certains pays tel que le Royaume Uni ont décidé de « de vivre avec ».

La vaccination poursuit sa route, plus modérément cependant, et de nouveaux outils préventifs sont testés. Ces avancées contribuent à dégager un peu mieux l’horizon économique des prochains mois. Les indicateurs d’activité marquent cependant le pas. Et s’ils restent en territoire positif, le fort rebond constaté en début d’année est dans sa phase d’épuisement. Ainsi en zone euro, l’exceptionnelle croissance de plus de 9,2 % annualisée du second trimestre de l’année n’effacera pas le retard de l’activité qui s’est accumulé depuis la survenance de la crise. Ce dernier reste encore à plus de 3 points de son niveau de la fin 2019. Il en est de même dans les grands pays de la zone. En France, même si l’année se terminera sur une performance inédite proche de 6,5 % selon les autorités, le retard de croissance de l’année 2020 ne sera probablement pas comblé avant mi 2022.

Du côté des entreprises les indices de production sont repassés en territoire négatif en septembre -2 % en zone euro, près de -4 % en Allemagne et si un chiffre ne fait pas une tendance, rares sont les secteurs qui échappent à cet essoufflement. Alors que les perspectives et les carnets de commandes restent bien orientés, la production peine. Les pénuries et les difficultés d’approvisionnement qui s’entremêlent dans les problèmes d’offre viennent à présent se conjuguer aux hausses des prix. Dans une dynamique de croissance qui n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant la crise, ces obstacles paraissent très prématurés. Pourtant, ils sont à la fois la conséquence d’une demande qui s’est concentrée pendant de longs mois sur les produits industriels et d’une désorganisation des chaînes de production. L’envolée des prix énergétiques en est une illustration. Bien sûr, le cours du pétrole s’est redressé. Pour autant, il n’est pas encore revenu aux pics qu’il avait connu en 2008 et en 2015. Mais le prix du gaz, de l’électricité et celui du charbon, source énergétique d’importance dans de nombreux pays, ont été pris en tenaille entre une demande qui s’est vivement redressée sous l’impulsion de la reprise et les aléas sur l’offre. Elles vont des difficultés de production, gaz de Norvège ou de Russie, aux encombrements dans le transport et l’acheminement. Ces mouvements d’ensemble pèsent inéluctablement sur le comportement de consommation des ménages. En dépit d’une épargne qui reste encore pléthorique, ces derniers se risquent moins à la dépense, questionnant la dynamique de consommation et par ricochet celle de la croissance. Les coûts en hausse vont aussi affaiblir les marges des entreprises surtout dans les secteurs les plus énergivores de l’industrie. Même si une partie de ces hausses pourra être transférée dans les prix finaux, elle ne suffira probablement pas à préserver les marges.

Le rebond de l’inflation consécutif à ces changements, 3,3 % en zone euro, plus de 5 % aux Etats-Unis depuis le mois de mai, interrogent aussi les banquiers centraux. Ils hésitent encore sur le caractère durable ou transitoire de ces tensions, soufflant le chaud et le froid auprès des investisseurs plus fébriles face à des évolutions qui leur seraient moins favorables. Le trouble- fête va sans aucun doute s’apaiser mais il ne s’assagira pas au niveau précédant cette envolée. Une nouvelle page de la sortie de pandémie se tourne.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin juin 2021

Normalisation et variants :  de difficiles arbitrages

Malgré quelques contraintes sanitaires réactivées au cours du premier trimestre de l’année, le processus de vaccinations qui se déployait dans l’Union Européenne devait signer la fin de cette difficile période de crise sanitaire. L’apparition de nouveaux variants nous rappelle que nous n’en avons pas terminé avec cette pandémie.

A présent, les autorités de l’Union tentent de concilier reprise économique et gestion sanitaire dans un programme de mesures de prévention qui n’entravent pas l’activité. Les vagues successives de rebond épidémique nous ont appris à adapter notre mode de vie à cette menace. En France, les activités se sont organisées autour de ces contraintes et seuls quelques secteurs spécifiques ont dû rester portes closes. Cette perspective d’un retour à plus de normalité a propulsé les indicateurs d’activité dans une phase de rattrapage soutenu. Le climat des affaires a atteint un niveau inconnu depuis le printemps 2007. Les services, particulièrement pénalisés et qui avaient accumulé un retard certain, se sont redressés. Les enquêtes auprès des ménages ont suivi la même trajectoire qui s’est traduite par un bond de plus de 10 % de leurs dépenses de consommation de biens en mai dernier, effaçant le retard accumulé sur un an. Ce significatif rebond tient d’abord à toutes les mesures qui ont été déployées au cours de la crise. Face à une situation inédite, le gouvernement n’a pas hésité à ouvrir les vannes des aides tous azimuts : indemnités, reports d’échéances de règlement ou garanties, toutes ces mesures ont permis de maintenir les capacités de production et de dépenses en sommeil.  Dans la phase de sortie, la demande, et malgré quelques ajustements, l’offre se réveillent progressivement. Inéluctablement, cette reprise s’accompagne de quelques tensions sur l’appareil de production, sur les stocks qui avaient atteint des niveaux particulièrement bas en fin d’année 2020 et sur le marché du travail où des offres restent en suspens surtout dans les secteurs qui ont été longtemps sans aucune activité. C’est le cas de l’hôtellerie, la restauration, les services de tourisme.

Malgré ces difficultés, la croissance devrait afficher des niveaux élevés au cours des prochains trimestres, rattrapant quelque peu la perte d’activité de l’année 2020. Si, selon l’Insee elle pourrait flirter avec les 6 % en moyenne sur l’année, ce résultat pourtant exceptionnel ne sera néanmoins pas suffisant pour combler le retard accumulé depuis le début de la pandémie. C’est pourquoi, le programme de relance qui devrait se déployer à partir de la seconde partie de l’année et sur 3 ans tient une place centrale dans le rétablissement de l’économie. Il en est de même d’une politique monétaire qui, malgré les inéluctables tensions de sortie de crise, devra trouver le juste équilibre entre risque inflationniste et risque sur l’endettement qui s’est accumulé au cours de la pandémie. L’été ne laissera finalement de répit ni à la pandémie, ni à la gestion de la sortie de crise.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire

Conjoncture financière à fin mars 2021

France : le souffle de la reprise s’intensifie

Malgré les hésitations dans la conduite de la politique sanitaire, les reproches renouvelés sur le processus de vaccination, sans oublier non plus les allers-retours sur les multiples mesures restrictives, l’économie française a retracé une bonne part du chemin perdu depuis le début de la crise sanitaire, à « seulement » 5 % de son niveau antérieur au choc. Mais, après le premier confinement, la reprise a été inégale et erratique, l’économie s’adaptant à un contexte instable semé de contraintes renforcées ou de libertés retrouvées.

La performance moyenne de l’économie est finalement en repli de 8,2 % en 2020, plus dégradée que celle de la zone euro dans son ensemble et de l’Allemagne en particulier, -4,9 %. Depuis le début de l’année, tous les indicateurs avancés ont repris une pente ascendante malgré la quasi stagnation probable de la croissance au premier trimestre après les nouvelles dispositions sanitaires.
Les enquêtes sur le climat des affaires sont résolument ancrées vers une sortie prochaine. Ainsi, la confiance des chefs d’entreprises s’est stabilisée en mars malgré la versatilité des décisions sanitaires. Plus intéressant encore, cet optimisme ne se réduit pas au secteur manufacturier porté par des facteurs domestiques et une demande étrangère. L’amélioration se poursuit dans le bâtiment et le commerce depuis la fin du second confinement. Elle se diffuse dans les services où l’optimisme des chefs d’entreprises s’est nettement redressé en mars. Seuls les secteurs de l’hôtellerie restauration, 11 % des services, restent très en retard compte tenu des mesures de restrictions qui leur sont imposées depuis de longs mois.

Du côté de la consommation, les dépenses de biens des ménages sont erratiques et, si elles se stabilisent en février, elles restent encore en retrait sur un an, reflétant d’abord une capacité de dépenses limitée par les contraintes sanitaires et d’autre part un attentisme dans un contexte encore incertain. De ce fait, si leur pouvoir d’achat a globalement été préservé au cours de cette crise, ils ont accumulé une épargne sur laquelle les autorités comptent pour le rebond. Les indices de confiance alimentent cet espoir, revenant en mars au niveau de l’été dernier.

Evidemment, l’accélération du processus de vaccination est l’atout central de ce scénario optimiste qui conduirait à une croissance annuelle supérieure à 5,5 % selon la Banque de France. Ce scénario n’est néanmoins pas sans risque. D’une part, certains acteurs se relèveront difficilement de cet arrêt prolongé dont les conséquences durables sont encore inconnues. D’autre part, la reprise inégale engendre des déséquilibres et des tensions. Si elle est encore mineure et probablement transitoire sur les prix en zone euro, la contagion par les taux des pressions sur les prix, probablement plus durables aux Etats-Unis, justifie une vigilance renouvelée de la Banque Centrale Européenne. Son volontarisme en matière de conduite d’une politique monétaire adaptée est indissociable du soutien budgétaire persistant dans cette étape clef de sortie de la crise sanitaire.

Brigitte TROQUIER – Economiste BRED Banque Populaire